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Prix Pierre-Dumont
 

   C’est en 1974 que la Société archéologique du Gers, désireuse de renouer avec une tradition instaurée sous l’Ancien Régime par les Académies provinciales et, en Gascogne, par la Société royale d’agriculture d’Auch et l’Athénée du Gers, émit le vœu qu’un prix littéraire et artistique pût récompenser une œuvre consacrée aux pays de l’ancienne province de Gascogne  et un lauréat originaire en principe de ces régions ou y possédant à des titres divers des attaches.

 

Pierre Dumont, directeur de laboratoire de biologie médicale, né de parents gascons (Aignan et Condom), résidant à Eauze et fondateur de l’association des Gascons de Paris, eut l’idée et la générosité de fonder le prix qui porte son nom et qui est étroitement associé à la Société archéologique du Gers, sous les auspices de laquelle il est décerné depuis près de cinquante ans.

 

Le premier lauréat fut Gilbert Sourbadère, natif de Gers, ancien élève de l’École normale d’Auch, professeur certifié au lycée du Garros à Auch, chargé du service éducatif des Archives départementales dans les années 1990, pour un mémoire de maîtrise d’Histoire sur Bernard-Adolphe Granier de Cassagnac. Le prix lui fut remis à l’hôtel de ville de Lectoure, le 31 mars 1974.

 

Premier lauréat, Gilbert Sourbadère allait prendre la suite de René Laffargue comme secrétaire et rapporteur du prix dont le jury est traditionnellement composé, autour du fondateur, de membres du bureau de la Société archéologique du Gers, désignés à tour de rôle.

 

Le fonds d'archives du Prix Dumont est conservé aux Archives départementales du Gers sous la cote 19 J. Il comprend plus de deux cents articles pour la période 1974-2020 et se compose des textes manuscrits, dactylographiés et imprimés des candidats au prix ; il constitue un ensemble intéressant dans les domaines de la littérature et de la poésie contemporaines, en langue française ou gasconne, et de la recherche historique, par les nombreux travaux universitaires recensés, provenant pour la plupart de l’Université de Toulouse-Le Mirail. Il n’est toutefois pas exhaustif, quelques candidats ayant demandé à reprendre leurs textes.

 

En février 2020, Gilbert Sourbadère a décidé de transmettre le flambeau à Laurent Mauras et lui a confié le secrétariat du Prix Dumont.

La Société archéologique du Gers organise cette année encore le Prix Pierre-Dumont, d’un montant de 300 €. Le concours est ouvert aux ouvrages de littérature (au sens large du terme) : récit, poèmes, roman,… Il est ouvert à tous, sans distinction d’âge. Il est souhaitable que les candidats remettent 2 exemplaires de l’ouvrage proposé. Ces ouvrages doivent être imprimés et obligatoirement porter le millésime 2023, 2024 ou même 2025. Seules sont admises à concourir les œuvres d’auteur d’origine gasconne et/ou directement inspirées par la Gascogne.

Lorsque l’ouvrage est écrit en langue gasconne, l’auteur doit présenter simultanément une traduction en langue française.

Les œuvres doivent être envoyées avant le 31 janvier 2025 à

Laurent Mauras,

785, route de Gavarret,

32390 Sainte-Christie.

Derniers lauréats

  • 2016 : Chantal Armagnac (Les couleurs de ma Gascogne)

  • 2017 : Jean-Philippe Zanco (Boué de Lapeyrère, 1852-1924, l'amiralissime gascon)

  • 2018 : Anaïs Comet ("Villages et bourgs de la Gascogne gersoise à la fin du Moyen Âge", thèse Histoire)

  • 2019 : ANACR 32 (Les femmes du Gers dans la Résistance)

  • 2020 : Paul d'Argaignon ("La condition juridique de la noblesse en Gascogne orientale sous l'Ancien Régime", thèse Histoire du droit)

  • 2021 : René Poques ("Lettres de l'oubli")

  • 2022 : Guy Miquel ("Monographie de Saint-Jean Poutge").

  • 2023 : Patrick Boué ("Chevalier de l'Empire").

  • 2024 : Alain Beyneix, préhistorien, pour son ouvrage "La Tombe de Chef de Pauilhac - une mystification archéologique ? ".  Millon Jerôme Editions. 

  • 2025 : Marc Centène pour le roman "Le maître de l'oppidum" (voir photo ci-dessous).

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MM. Centène, Mauras et Lapart le 17 mai 2025

51e prix Pierre-Dumont

 

 

Mesdames, Messieurs, cher(e)s ami(e)s,

 

… donc le 51e prix Pierre-Dumont est attribué à …..

Oui, je préfère finir mon discours avant de le commencer : en effet, il arrive souvent que mes exposés débouchent sur des thèmes philosophiques d’une bouleversante intensité au point qu’arrivé à la fin, j’en arrive à en oublier le début. Plus sérieusement, ce 51e prix a été très court à organiser, du fait d’un calendrier qui s’est rétabli entre automne et printemps : jusqu’à la Covid-19, le prix était remis au printemps, au cours de la journée banquet de la SAG. En 2020, du fait du confinement, nous avions repoussé la remise du prix à l’automne au cours de la journée des archéologues. Et pour éviter un délai de 6 mois entre deux prix, nous étions depuis sur ce rythme… Mais tout a une fin, et chaque chose se termine. Ainsi, en octobre remettions-nous le 50e prix Pierre-Dumont. Aujourd’hui 17 mai, nous avons le bonheur de remettre le 51e. Aussi permettez moi d’abord de remercier très chaleureusement les membres du jury de cette année qui ont donc dû travailler efficacement et rapidement. Un très grand bravo et merci à chacune et chacun d’eux. Merci aussi au président de la SAG, Jacques Lapart, qui, discret et en retrait comme le veulent les statuts du prix, est cependant présent pour faciliter les choses en cas de soucis.

Chaque année, le thème du prix Pierre-Dumont alterne : l’année dernière, c’était l’Histoire ; cette année, c’est donc la fiction qui était à l’honneur. Nous avons reçu cinq ouvrages, très différents, qu’il n’a pas été facile de départager.

D’abord, et par ordre de réception, il y eut un Coup de tonnerre en Gascogne, de Roland Martin : un polar dont l’intrigue se déroule autour de Lectoure et dans les alentours. Entre deux repas typiquement gascons et deux rasade d’armagnac, dont il est quasiment fait de la publicité à un moment, on suit Bertrand, Florence et Nico, mais aussi Victor le prophète, Fernand le garde-champêtre, Liz la guide, l’étrange Ramondo et Esa la châtelaine de Flamarens, sans parler d’une bande d’ornithologues sympathiques qui traquent des chauves-souris roussettes devenues folles un soir d’été à Lectoure. On est cueilli dans les premières page et on voyage beaucoup dans la Lomagne, il y a même un vade-mecum touristique à la fin du livre sur tous les sites nommés dans le récit. Il s’agit là du premier livre de Roland Martin, qui devrait en publier deux autres d’ici peu, toujours dans nos contrées.

Il y eut ensuite Camila, de René Poques. Cet auteur nous avait déjà honoré de Lettres de l’oubli en 2021. Il s’agit ici de tout autre chose : un voyage intime plein de résignation et d’espoir, entre tragédie et célébration de la vie. Un homme raconte la fin de vie de son épouse, rongée par un cancer. Mais ce n’est pas triste : la vie, malgré tout, continue, et les fêtes, très traditionnelles, des villages gascons y aident. Il y a du vécu dans cette histoire, mais aussi du roman, et là encore, on circule de Mirande à Mielan, en passant par Lombez et Samatan… Et la question est posée : comment peut-on pendant plusieurs années gérer une vie personnelle et professionnelle compliquée et lourde (comme celle d’un avocat) quand on soigne et accompagne son épouse atteinte d’un tel mal ? Une réponse dans Camila.

Autre femme rencontrée cet hiver : la Broisha (prononcez Brouche), de Thierry Garrin. Ce journal de trois personnes vivant en 1665 racontent une partie du Béarn, la Chalosse, au moment des dragonnades. On y croise les gabelous, la peste, la guerre, les soldats, les cagots, les protestants, un méchant meunier, les guérisseuses (broisha en béarnais)… On comprend comment l’on guérissait autrefois (il y a même des recettes d’onguents), quelle place avaient les femmes dans la société rurale, comment on navigue entre superstition, intransigeance et obscurantisme… C’est sombre également, comme roman, mais on y voit au final des hommes et des femmes qui nourrissent leurs espoirs et consolent leurs cœurs. Il s’agit du 2e livre de Thierry Garrin, le premier étant paru en 2023, et avait pour cadre la guerre de 14/18.

Avec le 4e livre, nous nous éloignons encore un peu plus de Miradoux : il s’agit de celui de Jean-Louis Donnadieu, qui s’intitule L’ombre de Makandal. En effet, on embarque pour Saint-Domingue. Que vient faire ici le prix Pierre-Dumont ? D’abord, saluer l’auteur, professeur d’histoire, auteur dans la revue de la SAG, et spécialiste des comtes de Noé du XVIIIe siècle, qui firent fortune dans les plantations des Antilles. Ensuite, être avec le héros imaginaire du roman, le docteur Olivier Gouzenne, originaire de Gascogne, lorsqu’il prend possession de la sucrerie familiale en 1775. Quel guide alors nous avons ! Le Cap de Saint-Domingue n’a aucun secret pour l’auteur – et donc ses lecteurs. La vie dans les plantations est décrite comme dans aucun livre d’histoire, parce qu’elle est exposée dans une fresque formidable. C’est très bien écrit, précisément expliqué, et l’affaire d’empoisonnement qui frappe alors les plantations nous emporte page après page. La crainte de la malédiction d’un esclave marron devrait tenir en haleine un nombreux public des librairies. Nous l’espérons, en tout cas.

Et puis, il y eut un tapuscrit, signé Julie Gourdet. Nous le saurons plus tard (après la délibération), c’est un prête-nom. Le texte est en vérité écrit par Marc Centène, et il a pour titre Le maître de l’oppidum. La matérialité ne payait pas de mine. Mais une fois ouvert, le dossier était palpitant : une histoire au suspense réel, un scénario digne d’un film. L’histoire se déroule 30 ans après la conquête des Gaules par César, sous le principat d’Auguste, alors que Tibère combat en Illyrie. En arrivant dans la capitale des Ausques, le patricien Manius Acilius Aviola n’imagine qu’un bref séjour, le temps d’acheter quelques arpents. Mais quand le notable d’Elimberris qui devait lui céder ces terres est retrouvé assassiné, tous les projets du jeune officier d’Auguste s’écroulent. Il décide d’enquêter. Au fil des rencontres, dans l’ombre d’une menace croissante, Aviola découvre que des pouvoirs anciens gouvernent encore la (trop) jeune province romaine. Une plongée dans le passé romain d’Auch et du Gers passionnante. Mais aussi d’une rigueur historique impressionnante : la description de l’oppidum, de la ville basse, de la cité sans thermes mais avec bains, de la taverne, du temple de Saturne, de la basilique, du forum, des villae… L’auteur a dû lire toute la littérature spécialisée sur le sujet. Les experts reconnaîtront les travaux de Philippe Gardes notamment. Un socle très solide sur lequel Marc Centène a posé avec une imagination fertile et une écriture talentueuse un récit haletant. Et puis ces caractères ! Le décurion local, l’aubergiste Scipio, un inquiétant Frison, une vieille Elusate, un archiviste municipale, et même un ours dans les Pyrénées ! Sans parler de Caranros, sorte de Vercingétorix de chez nous…

Vous l’avez compris, le prix Pierre-Dumont 2025 récompense Marc Centène et son Maître de l’oppidum. Le 51e prix gratifie ce formidable travail d’écrivain et espère qu’il pourra ainsi être un jour publié.

Permettez moi, avant d’achever, de remercier et de féliciter chaleureusement tous les candidats qui ont honoré notre Société de leur contribution. Je renouvelle ces félicitations à notre lauréat qui intègre aujourd’hui la déjà longue et brillante cohorte des vainqueurs du prix Pierre-Dumont, dans laquelle nous sommes heureux de l’accueillir.

Je souhaite de tout cœur que nous puissions nous retrouver tous l’an prochain, en aussi bonne compagnie, en des circonstances tout aussi agréables, pour remettre le 52e prix, consacré à l’histoire.

Vive la Société Archéologique du Gers et vive le prix Pierre-Dumont 2026 !

 

 

Laurent Mauras

secrétaire du prix Pierre-Dumont

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